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L'Afrique commentée

13.4.04

RWANDA: MYTHES ET REALITES SUR LE GENOCIDE (1re de 2)


Photo issue de: L'Unicef. En 1994 au Rwanda, un garçon avec une cicatrice sur la nuque se tient devant d'autres enfants à l 'extérieur de l'école primaire de Cyugaro. Le garçon avait été blessé par un coup de machete lors du conflit civil.


Des Occidentaux tiennent à pas mal de mythes sur le génocide rwandais et la non-réaction de la communauté internationale. Cet écrit sert à en démystifier quelques un.


-Ces haines ethniques se sont tant enracinées qu'il ne valait pas la peine d'intervenir.

En 1994, 'des haines ethniques anciennes' est devenue presque la nouvelle devise des Etats-Unis et l'Union européenne. L'Occident s'en est tant servi pour justifier leur refus d'agir en ex-Yougouslavie; la duplication de cette excuse pour ne rien faire au Rwanda s'est faite sans la moinde difficulté. Comme je l'ai dit, le plus grand et dangereux mythe de tout est que Hutus et Tutsis sont deux ethnies distinctes. Ils sont une ethnie divisée par classe par les colonisateurs belges. Même si on accepte les douteuses propositions qu'ils soient deux ethnies et qu'ils se détestent depuis le premier jour de cette division arbirtaire par les Belges, ces 'haines ethniques anciennes' étaient anciennes de moins d'un siècle. Par contre, les 'ethnies' catholique et protestante d'Irlande du Nord se battent depuis (au moins) le 17e siècle. Le président Bill Clinton s'est impliqué dans une resolution de cette dispute bien que la haine tribale soit plus ancienne de loin que celle au Rwanda.

-Les tueries étaient spontanées et la situation était si chaotique qu'une intervention n'aurait pu rien faire.

Le sous-entendu de cette excuse: le Rwanda était une Somalie redux. Ce mythe était puissant en raison de l'ignorance généralise en Occident de l'Afrique de l'Est. Une partie de cette ignorance était volontaire de la part des gens, notamment américains, qui ne voulait pas une intervention et donc ont décidé de croire à ce qui correspondait à leurs idées reçues. Il est difficile pour les journalistes d'analyser la situation au cours d'une guerre. Mais le Rwanda était en fait le contraire de la Somalie. La violence en Somalie était provoquée par l'anarchie; au Rwanda, elle était planifiée et executée meticuleusement. La société somalienne était notorieusement divisée; la société rwandaise tenait à une obédience profonde à l'hierarchie et à l'autorité. La Somalie était le hasard; le Rwanda était choréographié, jusqu'à la radiodiffusion des noms des personnes à être massacrées. La confusion de la guerre rendaient les choses confuses pour les journalistes mais l'administration Clinton avait des renseignements inambigus.


-Ah, mais vous êtes trop dure. Peut-être, l'administration Clinton n'appréciait pas alors l'ampleur de la situation au Rwanda.

C'est ce qu'a prétendu le président Clinton lui-même à sa visite de 1998 à Kigali. Ou bien à l'aéroport de Kigali, ce qu'il n'a jamais quitté. "Ca peut vous sembler étrange aujourd'hui, surtout à vous qui avez perdu des parents, mais aux quatre coins du monde, il y avait des gens comme moi qui, jour après jour, n'apprécait pas [pause] l'ampleur [pause] et la rapidité [pause] de la terreur inimaginable qui vous entourait."

Il y a deux semaines, le The Sydney Morning Herald, entre autres, a rapporte que des documents prouvent que l'administration Clinton savait que ce qui se passait au Rwanda était un génocide. Le quotidien australien a noté que des hauts cadres employaient le même génoide 16 jours après le commencement des tueries mais ne le faisaient pas publiquement parce que le président Clinton avait déjà décidé de ne pas intervenir. Des documents de renseignement obtenus démontrent que le président et son conseil de ministres étaient presque certainement au courant d'une 'solution finale [planifiée] pour éliminer tous les Tutsis.' Et qu'ils l'ont été informés avant que les tueries aient atteint leur zénith. Une enquête du journal a découverte d'une mise à jour secrète de la CIA circulé au président Clinton, à son vice-président Al Gore et à des centaines de cadres a compris des rapports quasi-quotidiens sur le Rwanda. L'un d'entre eux, daté du 23 avril 1994, a indiqué que des rebelles du RPF allait continuer leur lutte pour 'stopper le génocide qui... se dirige vers le sud.' Trois jours plus tard, le secrétaire d'Etat Warren Christopher et d'autres ont été informé de 'génocide et partition' et des déclarations de la mise en place d'une 'solution finale pour éliminer tous les Tutsis. Pourquoi? L'administration Clinton craignait "que l'usage du mot [génocide] allait pousser l'opinion publique à lui exiger d'agir, ce qu'elle ne voulait pas," selon Alison Desforges de l'ONG Human Rights Watch. C'est pas que l'administration Clinton ne savait pas. Elle ne voulait pas savoir.


-Des opposants politiques hutus étaient également tués donc c'était pas un vrai génocide.


Le génocide avait sans doute un aspect politique. En fait, TOUS les génocides ont un aspect politique. Le plus souvent: trouver un bouc-émissaire pour distraire des populations vivant dans la misère. Le génocide est, par définition, un acte politique. Pourquoi? Le génocide signifie 'meutre d'une race.' Mais tous les êtres humains font partie de la même race: homo sapiens. Les différences principales entre les 'ethnies' sont sociologiques: religion, langue, moeurs, pratiques et traditions culturelles; au Rwanda: classe économique. Les Nazis ont ciblé les Juifs (religion différente) mais aussi les gais (moeurs différentes) et les Tziganes (traditions culturelles et langue différentes). Les Serbes ont ciblé les Bosniaques (religion différente). Nul ne dirait que la Shoah n'était pas un vrai génocide en raison du statut de cible non-exclusif des Juifs.


-Si les extrêmistes ciblaient tous les opposants, non seulement les Tutsis, ne devrait-on pas l'appeler 'politicide'?

L'un des désirs des extrêmistes était de nettoyer le Rwanda de tous ses Tutsis. Ceci est génocide, comme décrit clairement La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide Que les extrêmistes ciblaient ses opposants hutus modérés ne diminue point la sévérité des crimes des extrêmistes; il y a ajoute! Les extrêmistes ont perpétré génocide ET politicide.


That Hutu extremists also targeted moderate Hutu political opponents adds to the severity of what the extremists did, not diminish it. What the Hutu extremists did was genocide AND politicide.

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Demain: mythes et réalités, 2e de 2.

Lecture recommandée: J'ai serré la main du diable : La faillite de l'humanité au Rwanda du général Roméo Dallaire. Le chef des Casques bleues au Rwanda fait son récit.