.comment-link {margin-left:.6em;}

L'Afrique commentée

24.5.06

Abdoulaye Wade, ou mon meilleur ennemi

Le Monde offre un portrait de la nouvelle démocratie sénégalaise. L'élection présidentielle de 2000 a inauguré l'ère de l'alternance politique. Mais la promesse du Sopi, ou changement, finit par décevoir. Alors que le président Abdoulaye Wade balade aux quatre coins du monde, il semble oublier de gouverner chez lui. Tout comme son homologue nigeriain Obasanjo, Me Wade se préoccupe des affaires pan-africaines davantage que celles de son pays. L'homme qui s'est fait attribuer le prix Félix Houphouët-Boigny pour la paix est trop sensible aux critiques. Il cible presque toute la société civile qui ose le défier. Notamment en multipliant les dérives contre la presse indépendante, sans laquelle il ne se serait jamais retrouvé à la tête de l'État. Même plusieurs alliés d'hier ont quitté le camp présidentiel pour rejoindre l'opposition, comme ses ex-premiers ministres Moustapha Niasse et Idrissa Seck, son ancien dauphin.

Certains traitent le président de la République d'otage de ses proches. L'opposant Abdoulaye Bathily, l'accuse d'être "prisonnier d'une mafia qu'il a lui-même créée." Dénonçant une "dérive dictatoriale", [Bathily] souligne le trouble engendré par la stratégie d'un président qui, après avoir écarté ses alliés, gouverne avec d'anciens ennemis.

De plus, "Le décalage est énorme entre les discours et la réalité, analyse un haut fonctionnaire en poste à Dakar. Les bailleurs de fonds ont besoin de cette fiction. Abandonner Wade reviendrait à reconnaître que tout fiche le camp en Afrique de l'Ouest. Les Européens comme les Américains ont besoin de lui. C'est pourquoi ils le couvrent d'honneurs." En privé, les représentants des innombrables agences internationales et ONG présentes à Dakar appuient cette analyse. A la Banque mondiale, on insiste sur le "bilan global décevant" d'un pays qui figure parmi les plus aidés d'Afrique.

Tout comme Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire, Abdoulaye Wade était l'opposant de toujours avant d'achever la présidence. On aurait espérer que cette expérience lui aurait rendu la patience, la sagesse et la magnanimité de bien gouverner l'ensemble de son pays. Mais on découvre que ni Gbagbo ni Wade n'est Nelson Mandela. Même si le Sénégal n'est pas dans un état pré-génocidaire comme la Côte d'Ivoire, la déception du premier mandat d'Abdoulaye Wade est énorme.